La tendance Delulu ou comment le podium se réfugie dans l’excentricité à la recherche d’un havre de paix

La tendance Delulu ou comment le podium se réfugie dans l’excentricité à la recherche d’un havre de paix

La recherche de l’évasion a évolué au fil du temps. Le penseur français Guy Debord avait déjà mis en garde dans les années 1960 contre l’engourdissement de la société de masse face aux nouveaux artefacts culturels de l’époque : la télévision et le cinéma, mais aussi la musique pop, la publicité et la mode. Un état de rêverie partagé auquel s’ajoutent plus tard l’exposition et la consommation de célébrités.

« L’origine du terme delulu (de délirant[delusional]vient du monde de la K-pop.. Il s’agit du nom péjoratif donné aux fans de groupes musicaux qui étaient obsédés par les artistes et croyaient illusoirement qu’ils étaient leurs amis ou leurs partenaires romantiques », explique l’historienne de l’art et journaliste de mode Rita Rakosnik.

Un détournement de la fascination pour la star ou le chanteur du moment, qui, adapté à l’époque actuelle, devient un nouveau mécanisme de défense pour faire face, avec une pointe d’ironie, au désenchantement d’une génération. qui n’arrive même pas à imaginer des solutions à ses problèmes et préfère donc s’échapper et se déconnecter du contexte.

Cette absence de sens vital a teinté les défilés printemps-été 2024 de marques de niche, mais aussi d’autres déjà consolidées. Chaque marque réinterprète ces vibrations à sa manière, mais toutes s’accordent à dire que, si elles le font, ce sera traité comme un jeu. Car il ne s’agit pas seulement de miser sur certains vêtements ou accessoires, où l’adaptation de la delulu par la mode se trouve dans ce que l’on appelle la stylismequi n’est rien d’autre que la construction d’une image concrète.

Ainsi, ce sera la façon de marcher – la marche latérale du défilé de Maison Margiela -, les gestes – le regard halluciné des mannequins habillés de Collina Strada -, ou encore le regard de l’artiste – le regard de l’artiste – qui seront autant d’éléments de l’image. regards Dans l’œuvre de Simone Rocha, les roses décorent le teint sans tenir compte des raisons normatives qui déterminent le caractère halluciné de la proposition artistique.

Maison Margiela printemps-été 2024photo : Filippo Fior / Gorunway.com

Collina Strada printemps-été 2024Photo : Paolo Lanzi / Gorunway.com

Simone Rocha printemps-été 2024Vogue Runway

Une sorte de foi sans justification rationnelle – selon les mots du philosophe Eudald Espluga– qui laisse derrière lui l’optimisme naïf que nous avions connu. « Le delulu est libérateur car c’est un moyen de sortir du désespoir », dit-il. « On pourrait y voir une réaction quasi religieuse à l’héritage d’un monde de plus en plus inégalitaire, au bord de l’effondrement climatique.« .

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